Les Minéraux et la construction d’une représentation divine.
Introduction
Revenons à une époque où tout était découverte et source d’émerveillement. Quel bonheur de tenir entre nos doigts pour la première fois de jolis cristaux. Quelle surprise d’apprendre que ces roches scintillantes dans notre main, proviennent des sous-sols de la terre, trésors enfouis de couleurs éclatantes, transparentes, tellement attractives.
Chemin faisant, la pierre exerce sur nous une éternelle fascination, mais elle va générer des ressentis très différents dans la construction de chaque individu. Durant l’enfance, elle détient une consistance toute particulière, elle va témoigner de la stabilité dans la matière. Elle sera considérée comme ce que la nature a de plus dur, de plus lourd et de plus permanent. L’image des rochers et des montagnes apporte à l’enfant cette sensation de construction stable de la nature. Quand l’homme sera soumis à des moments de vacillements, il pourra revenir à cette matière pour retrouver cette sensation de consistance. C’est ce que l’on caractérise sous le terme d’ancrage, dans de nombreux courants spirituels.
Dans le passé, la pierre fut une grande source d’inspiration, nous l’avons utilisée dans la conception et l’élévation d’édifices qui doivent perdurer. Elle est le symbole de ce qui tient. Nos vieilles bâtisses, tours, édifices religieux et ponts de pierre témoignent de l’aboutissement d’un long travail d’apprivoisement de cette matière minérale. Et c’est en son sein que nous plaçons nos plus grandes institutions.
La préhistoire et la construction représentative du sacré dans la pierre
Nos ancêtres, au cours de la préhistoire, ont appris à concevoir des outils grâce à la maîtrise du feu et à la connaissance des matériaux qui les entouraient. Développant l'art de la forge au départ de façon rudimentaire, ils chauffaient le métal et le martelaient pour lui donner la forme de lames.
La pierre quant à elle, naturellement tranchante fut utilisée très tôt, elle était accessible assez facilement, tout comme le bois. L’obsidienne, trouvée directement sur des sites volcaniques trouva un intérêt particulier, on en fit des pointes de flèches facilement reconnaissables. Elles sont caractéristiques de la période du néolithique. L’obsidienne est particulièrement intéressante car la composition de sa structure vitreuse est toujours différente suivant sa provenance. On a donc pu suivre les échanges entre populations ainsi que leur mouvement en suivant ces pointes d’obsidienne.
Au-delà de son application dans la vie concrète des hommes de l’époque, la maîtrise de la matière engendra la création de nouvelles représentations à caractères divins. L’homme, à sa façon, s’est approprié son environnement, la matière devient alors un outil de représentation de ses ressentis sur le monde qui l’entoure.
Le minéral dans la construction d’une représentation du divin
La campagne Toscane détient en ces terres des témoignages de cet ordre, sous la forme de stèles très atypiques, datant d’une période comprise entre l’âge du cuivre et l’âge du fer juste après le néolithique. C’est dans la charmante ville italienne de Pontremoli que vous pouvez les admirer dans un musée situé au sein du château de Piagnaro.
Les populations locales façonnèrent des blocs de grès singulier, qui eurent une fonction cultuelle avérée. Elles ont pour certaines cette forme de lame. Elles évoquent des divinités tantôt masculine ou féminine, des forces à laquelle les hommes de l’époque se sentaient soumis.
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La stèle la plus récente témoigne d’un changement profond dans cette représentation du divin. Le corps de la divinité est sculpté à l’avant et à l’arrière du bloc de grès sous forme humaine. Une lame est représentée dans sa main comme étant son outil. L’homme se représente alors le divin à son image.
Les années passant, de nouvelles représentations prirent place. Certaines stèles furent ensevelies sous les églises. Elles furent cachées, considérées comme des témoignages de croyances ancestrales considérées comme “païennes”. D’autres stèles furent incorporées à des édifices comme vulgaires matériaux de construction. Il fallut arriver à notre époque contemporaine pour qu’elles refassent surface et qu’on s‘intéresse à l'origine de leur conception.
La place des minéraux comme symbole de pouvoir
Au travers des générations qui ont suivi la préhistoire jusqu’à nos jours, l’homme n’a eu de cesse d’exploiter les sols. Il y trouva différentes sources d’énergies qu’il apprit à utiliser à ses propres fins. L’extraction des minerais, ainsi que d’autres ressources non renouvelables posent aujourd’hui de nombreuses questions quant au maintien de nos modes de vie actuels. La vitesse à laquelle nous utilisons la nature à notre usage, qu’il s’agisse des sols ou de nos exploitations agricoles (...) semble profondément affecter les cycles naturels auxquels la terre et nous tous sommes soumis.
L'extraction de minéraux et la maîtrise de leur transformation interviennent directement dans le maintien de nos déplacements, mais aussi dans la subsistance de nos moyens de communication, et plus largement de nos moyens d’existence. Extraire et transformer a un coût, et a été un enjeu majeur à différentes époques. Elle induit indéniablement la notion de pouvoir, pouvoir de celui qui détient la matière et pouvoir de celui qui sait comment la transformer à ses propres fins.
De quelle façon la richesse minérale est-elle un symbole important du pouvoir ?
Il n’existe pas un territoire où la pierre en tant que minéral ne fut pas une source de vénération. Portée comme ornement sur les couronnes des rois, sur leurs sceptres et leurs sceaux. La pierre précieuse relie l’homme au divin, à un pouvoir supérieur.
Mythes, Légendes et Écritures sacrées
Les mythes grecques regorgent de mises en garde concernant la quête de pouvoir et de richesse matérielle.
La légende du roi Midas en est un fameux témoignage. Il souhaitait ardemment que tout ce qu’il touche se transforme en or. Un jour, il fut exaucé par le dieu Dionysos après lui avoir rendu service. Il eut un plaisir exceptionnel à exercer l'objet de sa cupidité en transformant en or tout ce qui lui tombait sous la main. Il avait cependant négligé la nature indispensable de pouvoir manipuler toutes formes de matière. Quand vint l’heure de s’alimenter. Il lui fut impossible de se nourrir d’aliments en or qu’il portait à sa bouche désespérément. Il comprit à ses dépends qu’aucune forme de richesse matérielle ne suffirait à garantir sa survie.
Une vieille coutume mérite d’être citée afin de mettre encore plus en relief le caractère divin des métaux, utilisés comme offrande :
Durant l'antiquité, on avait l’habitude de placer une pièce de monnaie comme obole dans la bouche des défunts. Elle était destinée à Charon, le passeur, sur les berges du styx, pour assurer un passage à travers les enfers aux personnes disparues. Cette coutume revêt l’idée qu’il est possible de se racheter par le biais du métal, entre la vie et la mort.
Pour l’Eglise catholique le minéral est une consécration
La bible fait référence aux minéraux au sein du texte de l’Apocalypse de Jean. La Jérusalem céleste y est décrite ayant une muraille faite de douze fondements ornés de douze pierres précieuses telles que le jaspe, l’émeraude, ou encore le saphir.. où sont inscrits les noms des douze apôtres. Les minéraux associés aux fondements de la Jérusalem céleste témoignent de la consécration d’un esprit éclairé.
Le plus grand pouvoir, celui de la représentation ?
Chaque civilisation regorge d’histoires basées sur les minéraux trouvés sur son propre territoire. Notons le Jade pour les pays asiatiques, est un symbole fort de justice et de prospérité. En 2008, le jade est incrusté dans les médailles des JO de Pékin pour glorifier les vainqueurs.
On peut aussi évoquer le lapis lazuli utilisé pour représenter la voûte céleste, territoire des dieux, par les égyptiens dans leur temple majestueux. Il fait aussi partie d’une de nos églises parisiennes les plus connues. C’est sous la voûte ornée de lapis lazuli de la Sainte Chapelle que furent conservées les reliques les plus prestigieuses que Saint Louis avait collectées avec ambition.
Géologie et Alchimie
Les minéraux sous leurs différentes formes témoignent des mouvements souterrains de notre planète. Du grain de sable sur lequel on marche, en passant par les sels minéraux qui nous constituent, admirant de belles géodes de quartz ou d’améthyste ; la pierre s’offre à nous sous toutes ses formes.
“Elle représente un point de rencontre stable et pérenne entre la terre qui bouillonne en son noyau et le ciel à l’atmosphère glacée.”
La matière minérale se forme et se transforme, se lie puis se délie, se recompose sous une chimie complexe et précise à des échelles de temps très variées.
La pierre est aussi symboliquement le reflet de ce qui se stabilise dans la pensée humaine.
Le principe alchimique de la transmutation, d’élever ce qui est imparfait au rang de la perfection revêt de notre propre quête de vérité qui est présente dans la matière. En suivant les étapes de notre propre transformation nous sommes capables de créer au sein de notre pensée nos plus beaux cristaux étincelants, symboles du pouvoir que la vie nous a transmis. Le partage de notre identité.
Le pouvoir en la matière de nos jours
Aujourd’hui l’exploitation des ressources terrestres alimente une machine vorace d'instantanéité, notre rapport au monde dans notre manière de consommer la matière déterminera la qualité de nos vies.
Souvenons-nous que la possession de symboles de pouvoir ne fait pas de nous des êtres puissants. La satiété et le partage d’affection sincère et quotidienne avec nos semblables demeure notre pouvoir le plus profond. C’est en reconnaissant en nous-même nos propres couleurs et en transformant notre propre matière, notre propre pensée que nous accèderons au divin.